Le CEO de Securitax.com, Pierre Laurens, a rédigé un article dans le journal mensuel AGEFI Luxembourg, spécialisé dans l'actualité financière, économique et européenne à Luxembourg.
Tous les professionnels qui interviennent dans une opération transfrontière impliquant au minimum au moins un état membre de l’UE sont concernés, quel que soit leur métier. Il est aussi inexact que dangereux de penser que tel ou tel métier se trouverait en dehors du champ d’application de la directive DAC6.
Avocats, notaires, assureurs, banquiers, experts comptables, family office, fiduciaires, la liste est longue.
Il est désolant d’entendre des avocats persuadés que la CJUE les a exonérés de leurs obligations DAC6 : seule la transmission de leur obligation à un autre intermédiaire a été jugée illégale (voir AGEFI décembre 2022).
Il est désespérant d’entendre des experts comptables assurer qu’ils ne sont pas concernés au motif d’être seulement en charge de la saisie des écritures comptables : l’OEC du Luxembourg a émis une note d’information particulièrement claire en novembre 2021 sur cette question.
Il est inquiétant d’entendre certains responsables fiscaux de grandes banques considérer « être peu impactés par DAC6 au motif que la clientèle est privée ou composée d’entrepreneurs locaux ». Est-ce crédible d’imaginer qu’une si grande banque n’ait que cette typologie de clientèle ? Au-delà, et compte tenu de la taille du Luxembourg, ces clients n’ont-ils aucune interaction à l’international ? SPF, liquidations, modifications de résidence, CRS, clôture de comptes… Préoccupant…
L’incertitude peut créer la confusion, alors tentons de clarifier la notion d’intermédiaire.
La directive identifie deux types d’intermédiaires :
- Les intermédiaires principaux : part active et importante dans la conception, la mise en œuvre ou la commercialisation d’un dispositif transfrontière.
- Les intermédiaires secondaires : participation ponctuelle, dans la mise à disposition, l’organisation, ou la gestion d’un dispositif transfrontière.
Soyons clairs, cette distinction n’a d’incidence que dans peu de pays :
- - Allemagne et Bulgarie : il faudra déclarer si le professionnel est un intermédiaire principal (implication globale et pas seulement dans une étape spécifique ou distincte de la structuration analysée).
- - Belgique : il faudra déclarer sauf si l’intermédiaire est intervenu dans le cadre de son activité habituelle.
- - Pays-Bas : il faudra déclarer uniquement si le professionnel a eu une part prépondérante, ou active, dans la structuration du montage (notion d’implication).
- - UK : il faudra déclarer uniquement si l’intermédiaire ne peut pas se prévaloir d’une méconnaissance de participer au dispositif sans avoir à mener des diligences supplémentaires normales et qu’il n’en est pas le promoteur.
- - Espagne : il faudra déclarer uniquement si le professionnel à une connaissance parfaite et globale de la structuration (notion de connaissance).
Pour tous les autres pays, tous les professionnels luxembourgeois (principaux ou secondaires) assument de la même manière les obligations et les sanctions de DAC6.
L’exemption au titre du secret professionnel est un faux ami :
Il est tout aussi désarmant d’entendre certains professionnels penser, parfois de bonne foi, qu’ils ne supportent pas d’obligation dans la mesure où ils sont exemptés.
Rappelons que l’ensemble des professionnels exemptés (notaires, experts-comptables ou commissaires aux comptes par exemple) seront tenus au devoir de transmettre sans délai leur propre obligation de déclaration à un professionnel non exempté ou au contribuable lui-même si ce dernier n’accepte pas de les relever de leur secret.
L’avocat exempté constitue une exception mais il doit toujours :
- Informer son client du dispositif fiscalement agressif car aucun professionnel ne peut prétendre qu’il ignorait les obligations de déclaration de DAC6 ;
- Demander à son client s’il accepte de le relever de son secret professionnel ;
- En cas de refus, l’avocat doit notifier officiellement au client qu’il a obligation de déclarer le dispositif en tant que contribuable aux autorités.
Quelques spécificités géographiques sont à noter en matière d’exemption :
- La Bulgarie exige une déclaration anonymisée, simplifiée et annuelle par le professionnel exempté.
- Enfin, rappelons que l’Italie et la Lituanie n’ont exempté aucun professionnel.
La nécessité d’une connaissance globale et intégrale de toutes les législations par l’intermédaire :
Répétons-le, les solutions « bricolées » qui n’intègrent pas la totalité des spécificités des 27 états membres sont non seulement inefficaces mais également dangereuses. Elles laissent l’utilisateur dans un sentiment de sécurité qui n’est que fantasmé.
Un professionnel luxembourgeois doit impérativement connaitre et maitriser l’ensemble des législations DAC6 de tous les pays et il peut être sanctionné par l’un de ces derniers.
Il n’y a que deux exceptions géographiques à cet important principe : l’Autriche et la Roumanie. Dans ces deux pays, l’intermédiaire étranger n’aura rien à déclarer puisque ces deux pays réservent les déclarations (et donc les sanctions) aux intermédiaires de ces seuls deux pays.
Conclusions :
Tous les professionnels sont des intermédiaires en puissance.
Leur degré d’implication ou de connaissance dans un dispositif n’a d’incidence que dans peu de pays.
Le fait d’être éventuellement exempté ne dispense pas le professionnel de respecter ses obligations particulières.
Il est impératif de connaitre la totalité des spécificités DAC6 de tous les pays.
Seul le recours à un outil logiciel intégrant ces données permet d’être facilement, rapidement et intégralement sécurisé.
Pierre LAURENS
CEO Securitax.com
Luxembourg
© Source - Agefi Luxembourg, février 2023