Notre partenaire, Me Philippe Laurens, a rédigé un nouvel article dans le journal mensuel AGEFI Luxembourg, spécialisé dans l'actualité financière, économique et européenne à Luxembourg.
La CJUE (affaire C-694/20) vient de juger illégale l’obligation imposée aux avocats des États Membres qui les avaient exemptés au titre de leur secret professionnel de transmettre leur obligation de notification d’un dispositif fiscal agressif à un autre intermédiaire non couvert par le secret professionnel.
Cette transmission était prévue à l’article 8 bis ter §5 de la directive DAC6.
La décision se fonde sur l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui protège de manière renforcée les échanges entre les avocats et leurs clients. Pour la CJUE, les autres intermédiaires n’ont pas à connaitre la relation entre le client et son avocat.
Les enseignements de cette décision C694/20
Cette décision a le mérite de mettre en exergue trois aspects :
- La CJUE sacralise une nouvelle fois la protection des rapports et des échanges entre l’avocat et son client,
- La Cour, indirectement, hiérarchise les professionnels exemptés au titre de leur secret professionnels : d’un côté les avocats qui bénéficient d’une protection particulière alors que l’ensemble des autres professionnels exemptés (notaires, experts-comptables ou commissaires aux comptes par exemple) seront tenus au devoir de transmettre sans délai leur propre obligation de déclaration aux autorités,
- Enfin, elle écarte l’argument tiré de l’ingérence dans le droit à un procès équitable issu de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.
La portée pratique de cette décision pour les avocats
La remise en cause de l’article 8 bis ter §5 DAC6 ne saurait être assimilée à un blanc-seing délivré aux avocats. La CJUE n’a visé que la seule l’obligation de transmission à un autre intermédiaire.
L’avocat exempté doit toujours :
- Informer son client du dispositif fiscalement agressif car aucun professionnel ne peut prétendre qu’il ignorait les obligations de déclaration de DAC6 ;
- Demander à son client s’il accepte de le relever de son secret professionnel ;
- En cas de refus, l’avocat doit notifier au client qu’il a obligation de déclarer le dispositif en tant que contribuable aux autorités.
Conclusions
En clair, les avocats restent toujours des acteurs majeurs de la transparence fiscale mise en place par DAC6 et en l’absence de la démonstration de ces trois derniers éléments les avocats seront sanctionnés.
Il serait donc dangereux que les avocats s’estiment, à tort, déchargés de toute obligation vis-à-vis de la directive DAC6. Et si la décision de la CJUE est une bonne nouvelle en ce qu’elle consacre une fois de plus la nécessaire protection des relations entre les clients et leurs avocats, elle est pour ces professionnels dans leur exercice quotidien, davantage un coup d’épée dans l’eau qu’un véritable coup de tonnerre. Ils devront rester vigilants.
Me Philippe LAURENS
Avocat aux barreaux de Luxembourg et de Montpellier
Cabinet Nexus Conseils
© Source - Agefi Luxembourg, Décembre 2022