NEW – Mini abus de droit : La doctrine vient de sortir ! (2020)

CONTEXTE DE L’ABUS DE DROIT

La loi de finances pour 2019 a étendu par le nouvel article L 64 A LPF la clause anti-abus en matière d’impôt sur les sociétés (art. 205-A CGI) à l’ensemble des autres impôts. Elle s’applique aux actes réalisés à compter du 1er janvier 2020. L’administration fiscale vient tout juste de commenter ces dispositions (BOI-CF-IOR-30-20 du 31-1-2020). Vous pourrez retrouver les différentes nouveautés dans notre article : Abus de droit fiscal : Nouvelle définition pour lutter contre l’optimisation fiscale (2020). N’hésitez pas à aller jeter un œil pour mieux apprivoiser la suite de l’article.

RAPPEL DE L’ABUS DE DROIT

Pour rappel, la démonstration d’un abus de droit vise dorénavant à sanctionner des actes à but exclusivement (L 64 LPF), ou principalement fiscal (L 64 A LPF) pour le mini abus de droit, dans cette hypothèse le nouveau texte impose la réunion de deux éléments impératifs: un élément objectif (l’utilisation d’un texte à l’encontre des intentions de son auteur) et un élément subjectif, la volonté principale d’éluder l’impôt.

LES DEUX NOUVEAUTES ISSUES DE LA NOUVELLE DOCTRINE

La toute nouvelle Instruction vient apporter deux nouveautés : une nouveauté au niveau des pénalités ainsi qu’une nouveauté au niveau des conditions :

Sur les pénalités :

C’est le moment de rappeler que les taux de majoration sont spécifiques dans l’hypothèse d’un redressement pour abus de droit classique et sont de 40% ou 80%.

La nouveauté réside dans le fait que les lourdes pénalités de l’abus de droit classique ne seront pas applicables au mini abus de droit.

Néanmoins, les pénalités traditionnelles (des mêmes montants de 40% et 80%) pourront malgré tout être appliquées si l’administration démontre que leurs critères sont réunis.

En pratique donc, force est de constater que depuis des années, les pénalités de 40% deviennent la règle quasi automatique. En conséquence de quoi, il y a fort à craindre que ce mini abus de droit soit toujours accompagné d’un pénalité de 40% au minimum.

En clair toujours aussi cher, seul le texte de référence changera…

Sur une condition supplémentaire issue par extension de l’article 205-A (BOI n°110):

A ce stade, l’administration semble retenir le raisonnement suivant.

Tout d’abord, l’article 205 A du CGI est l’exacte transposition en droit interne de l’article 6 de la directive ATAD 2016/1164 selon laquelle, « Pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés, il n’est pas tenu compte d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, ne sont pas authentiques compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents (…). Un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. ».

L’administration rappelle que l’article L. 64 A du LPF est une simple extension des dispostions de l’article 205 A du CGI (IS) aux autres impôts. En conséquence de quoi, les critères d’application de l’article 205 A du CGI, même s’ils ne sont pas repris dans le texte, doivent être appliqués à l’article 64 A du LPF.

L’incidence première est que l’administration devra au préalable démontrer le caractère artificiel du schéma querellé (substance économique). Comme pour le 205 A du CGI applicable à l’IS.

Il y a donc 3 conditions nécessaires à la mise en œuvre du 64 A LPF :

  • Tout d’abord, il faudra démontrer le caractère artificiel. Ici, il conviendra de rechercher si l’opération en cause présente une substance économique ou pas.

  • De plus, il faudra également démontrer le non-respect de l’intention du législateur. La récente doctrine fiscale explique tout simplement que lorsque c’est le législateur qui a souhaité encourager un schéma par une incitation fiscale, l’article L 64 A du LPF ne peut en principe s’appliquer, quand bien même ce schéma aurait un but principalement fiscal, à condition qu’il ne soit pas manifestement détourné de son objet.

  • Enfin, il faudra faire la démonstration du caractère principalement fiscal : l’administration propose d’examiner le critère du but principalement fiscal selon une approche quantitative visant à comparer l’avantage fiscal et les avantages non fiscaux procurés par une même opération. Toutefois, le contribuable sera fortement fragilisé par le fait que l’avantage non fiscal est rarement quantifiable. Toute ceci sera donc grandement subjectif…

Même si l’on se doute que cette générosité est surtout mise en place pour éviter une éventuelle censure du Conseil Constitutionnel, on peut se demander quels critères seront retenus pour caractèriser, ou non, l’aspect artificiel ?

  • Est-ce que ce seront les critères établis par le Conseil d’Etat, puisque l’article L 64 B du LPF est un texte purement interne ?

  • Est-ce que ce seront les critères établis par le CJCE (les plus souples) dans la mesure où l’article L 64 A LPF est une « extension » de la retranscription d’une directive CEE ?

Le débat est ouvert …

GARANTIES

Afin de se protéger contre une éventuelle pratique abusive, le contribuable a la possibilité de recourir à la procédure de rescrit prévue à l’article L 64 B du LPF qui a été étendue aux dispositions de l’article L 64 A du LPF.

En outre, la procédure du rescrit ne peut être envisagée que si l’administration centrale a été consultée par écrit par le contribuable, préalablement à la conclusion d’un acte portant sur l’opération en cause, et de manière à lui fournir l’ensemble des éléments utiles afin d’apprécier la véritable portée de ces actes, et que l’administration n’a pas émis de réponse dans les six mois, ou a confirmé que l’opération en cause ne constituait pas un abus de droit.